L’équipement pour le ski de randonnée et de haute-montagne

Cet article concerne l’équipement pour la randonnée à ski (ski touring en anglais), le ski de haute-montagne (plus technique), et de la « free rando », orientée vers la descente.

Equipement de ski de haute montagne

JUIGNET, Patrick. L’équipement pour le ski de randonnée et de haute-montagne. In : Le Pays de neige. 03/02/2020. URL : https://paysdeneige.fr/equipement-ski-randonnee/


1/ Du matériel spécifique au ski de randonnée et de haute-montagne

Pourquoi

Pourquoi faut-il un matériel spécifique et adapté ? Tout simplement pour répondre aux exigences et aux contraintes de cette pratique qui :

  • demande un effort (parfois important et prolongé)
  • se déroule en milieu montagnard non sécurisé
  • avec parfois des passages sur de la glace et du rocher

Sans un matériel adapté, la pratique est difficile (on a trop chaud, trop froid, on accumule de la fatigue), ou dangereuse (on s’expose inconsidérément aux risques), ou impossible : sans peaux de phoque, on ne peut pas avancer, sans chaussures permettant de marcher, on ne peut passer correctement les zones déneigées ou escalader lorsque c’est nécessaire.

Pour pratiquer, il faut un matériel important, ce qui représente pas mal d’argent et de recherches (pour trouver ce qui convient). D’autant que, pour les vêtements, ils diffèrent au printemps et en hiver. Il faut donc avoir des informations sérieuses pour éviter les déconvenues. C’est le but de cet article.

La liste est longue

Nous allons commencer par faire la liste de tout ce qui est nécessaire et nous allons voir qu’elle est impressionnante.

Le poste vêtements

Le système trois couches est maintenant adopté unanimement.

  • Une couche de sous-vêtements ne retenant pas la transpiration.
  • Une couche de vêtements isolants et respirants de type « polaire ».
  • Une couche externe coupe-vent et plus ou moins imperméable à la pluie, plus ou moins isolante associant veste et pantalon (ou salopette). On en trouve deux types principaux dits hard shell (résistant, imperméable, un peu raide) et soft shell (souple, moins imperméable).

De plus :

  • On associe un vêtement chaud en réserve, pour les arrêts et les grands froids, type doudoune.
  • Il faut deux paires de gants, une souple pour la montée et une chaude en réserve pour la descente ou si on mouille la première paire.
  • Toujours nécessaire, un couvre-chef (bonnet ou casquette ou chapeau selon les circonstances) et un cache-nez en réserve type tour de cou (buff), utile par grands froids, ou si on doit affronter une tempête.

Le poste skis, chaussures et peaux de phoques

  • Une paire de skis de randonnée qui doivent être suffisamment légers pour monter sans trop d’effort, mais aussi permettre une descente agréable, les deux étant difficiles à concilier.
  • Les fixations doivent être suffisamment légères pour monter, mais apporter tenue et sécurité.
  • Des bâtons.
  • Des chaussures de ski randonnée. On oscille sans cesse entre confort, tenue, légèreté et on est donc toujours dans des compromis entre les trois.
  • Des dispositifs anti-recul dits peaux de phoques et des couteaux à neige pour les dévers glissants.

Le poste matériel de sécurité

  • Pelle légère et efficace.
  • Sonde.
  • Dispositif de recherche en avalanche fiable et simple d’utilisation.

Le poste matériel spécifique aux courses glaciaires et alpines

  • Crampons
  • Piolet
  • Baudrier
  • Broches à glace
  • Casque
  • Corde
  • Mousquetons, longes et attaches diverses

Le Sac à dos

Le sac à dos doit permettre de porter le tout y compris les skis lorsque c’est nécessaire.

Le poste matériel de vue

  • Lunettes de soleil efficaces en altitude.
  • Masque pour la neige et le jour blanc.
  • Jumelles (facultatives).

Tout ce matériel représente pas mal d’argent, il faut donc éviter de (trop) se tromper. Sa qualité conditionne l’agrément de la pratique.

Équipement typé compétition

2/ Les problèmes posés pour trouver un équipement adapté

La jungle publicitaire

L’offre est très large ce qui est un atout, mais aussi une difficulté, car des produits divers se mélangent sans que l’on sache bien de quoi il s’agit. Si certains constructeurs donnent de bonnes indications sur leur matériel, le service commercial de certains autres tend à vanter ce qui fera vendre au détriment de la réalité.

Des changements trompeurs interviennent. Un même modèle peu évoluer d’une année sur l’autre (en bien ou en mal). Un modèle peu sembler évoluer, mais il n’y a que l’apparence et la mention publicitaire qui changent. Les vendeurs ont tendance à dire que leur produit est bon pour tout et surtout pour vous qui allez l’acheter.

Les modes et les incessants changements d’appellation peuvent égarer. Les noms anglais s’imposent. L’appellation « free » étant à la mode, les marques en mettent partout.

Un choix difficile

Le ski de randonnée se caractérise par un parcours en montagne dans des zones non sécurisées avec un trajet plus ou moins long et un dénivelé positif plutôt conséquent. Quant à la descente, compte tenu qu’on est loin des pistes, elle est forcément hors-piste. Selon son choix et les circonstances, la descente peut être de style traditionnel en petits virages à vitesse contrôlée ou plutôt en grands virages rapides (façon freeride), mais, de toutes les façons, en respectant les règles de sécurité par rapport au risque d’avalanche.

La recherche du matériel adapté donne lieu à des discussions infinies. Des forums comportant des dizaines de milliers de « posts » y sont consacrés. En effet, de nombreux facteurs sont à considérer : le style d’activité, le degré de sécurité, la qualité du matériel, le prix que l’on peut y mettre, avec toujours en arrière-plan la question du poids.

Par exemple, pour une fixation, l’enjeu est d’accepter plus ou moins de poids, pour plus ou moins de sécurité. Pour une chaussure, on oscille toujours entre confort, légèreté, skiabilité. Pour les skis, c’est l’usage qui prime : plus large pour plus faciliter la descente, ou plus d’accroche pour plus de sécurité sur le dur, ou le plus de légèreté pour minimiser l’effort à la montée. Pour le piolet, entre deux piolets de même taille et de conception identique, l’un en acier et l’autre en titane, les prix seront bien différents.

Il faut arriver à définir ce que l’on va faire majoritairement (trajets courts ou longs, pentes raides ou douces) et ce que l’on aime faire (plutôt monter ou plutôt descendre). Entrent en jeu des facteurs personnels : son gabarit (poids et taille), son entraînement, son niveau technique, son style. Plus le matériel sera bien adapté à soi et mieux on se débrouillera. Et inversement : Un « très bon » matériel inadapté à la personne sera un handicap.

Fixations et chaussures de randonnée

Le poids est central

Nous consacrons un paragraphe spécial à ce problème, car presque tous les autres s’y retrouvent : les variations de qualité, de prix, de type de construction, tous ont un effet sur le poids (en plus ou en moins), qui lui-même aura un effet sur votre confort et votre performance.

Nous allons comparer les poids sur deux colonnes en restant dans la moyenne (en délaissant l’ultra léger destiné à la compétition et le très lourd, inadapté à la pratique de la randonnée). Le but est d’avoir une idée de la différence globale de poids. Si elle est minime, on peut la négliger, si elle est majeure, il faut s’atteler au problème.

Poste Poids en grammePoids en gramme
sous-vêtements250 g350 g
couche isolante300 g400 g
veste couche externe400 g700 g
vêtement de réserve230 g440 g
Pantalon ou Salopette500 g700 g
gants60 g 140 g
couvre-tête 100 g200 g
Tour de cou10 g15 g
skis2000 g la paire3000 g la paire
fixations300 g la paire1500 g la paire
Chaussures2400 g la paire3600 g la paire
Bâtons240 g640 g
Pelle390 g600 g
Sonde200 g300 g
DVA190 g230 g
Piolet200 g500 g
crampons350 g650 g
broche à glace 90 g110 g
corde 20 m790 g 1200 g
casque230 g400 g
mousquetons65 g195 g
longe et divers 170 g330 g
baudrier142 g330 g
sac à dos700 g 1300 g
gourde 150 g330 g
lunettes 20 g40 g
masque125 g200 g
Total arrondi en kg10,7 kg18,4 kg

Tableau comparatif du poids des équipements

La différence de poids entre deux équipements complets est d’environ 7 à 8 kg, ce qui représente 63% à 64% du poids. Ce n’est pas minime !

Note : 7 kg montés de 1000 m demandent un travail de 7 x 9,8 x 1000 = 68 600 Joules. S’ajoutent les frottements, des mouvements de freinage/accélération faits à chaque pas, les mouvements supplémentaires dus aux conversions qui augmentent le travail d’environ 30% , soit 20 580 Joules. Au total, 89 180 Joules. Il faut dont déployer 89 180 Joules d’énergie musculaire supplémentaire. Donnons un ordre de grandeur. Une personne de 80 kg qui monte sur un rocher de 50 centimètres de haut fournit un travail d’environ 392 Joules. Il faut qu’elle monte 227 fois sur son rocher pour fournir un travail de 98 100 Joules. Signalons aussi que c’est relatif à la personne. Plus on est léger, peu entraîné et peu musclé, ou aux extrémités de l’âge sportif (jeune ou vétéran), plus le poids a d’effet, et inversement. Pour un skieur athlétique et bien entraîné de 30 ans, l’effet du surpoids sera moindre.

Des petites différences (200 g par-ci et 300 g par-là), qui semblent insignifiantes, une fois cumulées deviennent importantes. De plus, sur certains postes d’équipement, il existe de grosses différences ; c’est le cas de la combinaison ski + fix + chaussure. On peut passer de 5000 g à 7700 g soit 2700 g de plus tout en restant dans du matériel de randonnée moyen (pas de compétition).

Concernant l’allègement, les questions à se poser sont évidemment différentes pour des chaussettes, ou des skis, ou un sac dos, etc. On ne peut pas dire une fois pour toutes : « je me fiche du poids », ou « je recherche systématiquement la légèreté maximale », car, dans certains cas, c’est de confort dont il s’agit, dans d’autres, c’est de sécurité et, dans d’autres, cela dépend du type d’utilisation. Il y a des postes d’équipement pour lesquels on va accepter du poids pour ne pas perdre certaines qualités jugées importantes, et d’autres non. Par exemple, pour les fixations, poids et sécurité s’opposent (voir l’article : Des fixations de randonnée mieux sécurisées).

Fixation sécurisée mais lourde : 550 g l’unité

Le Ravitaillement

En randonnée, on doit transporter eau et aliments pour la journée. Quel que soit le poids de la gourde, le litre d’eau pèsera toujours 1 kg et les sandwichs 250 à 300 g, poids qui viendra s’ajouter à celui du matériel.

Comment arbitrer ?

Il faut arbitrer entre des exigences contradictoires et pour cela il est nécessaire de définir ses priorités par rapport à chaque type d’équipement.

Pour les vêtements et les sacs à dos, tout le monde est d’accord : plus ils sont confortables, pratiques et légers, mieux ça vaut. Après, intervient le prix. Le plus souvent, un très bon vêtement est assez cher. Il est préférable d’avoir une veste permettant de mettre un baudrier (pas trop longue et avec les poches devant) ne freinant pas les mouvements, peu volumineuse et légère (pour la ranger dans le sac sans surpoids). Un anorak de ski sera trop long, trop chaud, trop lourd. Pour la couche externe, en allant dans les gammes dites d’alpinisme, on trouve des vêtements résistants et polyvalents qui iront bien en hiver et au printemps. Pour la polaire et les sous-vêtements, les choix sont nombreux et c’est principalement une question de prix.

Pour le matériel de sécurité, il y a un compromis à faire entre efficacité et poids. Une pelle à neige, grosse et rigide, avec un long manche, sera très efficace, mais lourde. On préférera un pelle légère, gardant une efficacité certaine. Pour ce qui est du DVA, les différences de poids sont faibles, il donc vaut mieux faire primer la simplicité et l’efficacité. Pour le matériel technique glaciaire, compte tenu de l’utilisation occasionnelle, on privilégiera le faible poids. Il est préférable d’avoir des crampons légers automatiques, plutôt qu’une paire de crampons classiques en aciers (lourds, longs à mettre, peu adaptés) et un piolet très léger. Un baudrier spécifique pour le ski pèse moitié moins qu’un baudrier polyvalent et il peut être enfilé sans déchausser (Exemple de baudriers légers Choucas light de Blue Ice ou Fly de Petzl).

En ce qui concerne les skis, les chaussure, et les fixations, c’est là où les choix divergent le plus. En effet, les uns privilégient la qualité en descente (orientation dite « free ride » ou « free rando »), les autres le gain d’efficacité en montée (orientation randonnée traditionnelle, dite aussi « ski alpinisme »). Dans tous les cas, il faut une combinaison cohérente entre les trois et pas un assemblage hétéroclite.

Des skis de largeur moyenne (80-90 mm au patin) iront bien pour leur légèreté et pour faciliter les longues traversées en dévers, car on forcera moins sur la chaussures et les chevilles. Des skis un peu larges (disons 85-95 mm au patin) seront bien en descente, dans les neiges molles ou difficiles. Les skis étroits et très légers (65-75 mm) et avec du rebond, sont plutôt destinés à la compétition. Si on veut une polyvalence, compte tenu des avancées technologiques, la bonne largeur se situe (actuellement) autour de 88 mm au patin, pour un poids de 1100g à 1300 g par ski.

Plus on est orienté haute montagne et glacier, plus l’accroche sur le dur doit être sécurisante et les virages sautés faciles à exécuter (ski rigide, patin puissant, ligne de cote plus tendues). Le ski sera plus technique à conduire. Un ski léger et rigide aura peu d’amorti et tendance à beaucoup réagir au terrain. Il sera moins agréable qu’un ski avec de la souplesse et un bon amortissement, ce qu’on recherche lorsqu’on pratique la randonnée classique ou la « freerando ». Pour cette dernière, une spatule large et progressive avec un « rocker » facilite les virages en poudre.

La mode est aux skis larges permettant de « rider dans la peuf ». Mais qui a accès aux larges pentes de neige profonde et immaculée, à part ceux qui skient sur la photo des magazines ? À partir de 89-90 au patin, on commence à avoir des difficultés en montée sur les fortes pentes, ou lors des longues traversées en dévers, car ça force latéralement sur les chaussures et par conséquent sur les chevilles, ce qui finit par être pénible, voire douloureux.

En montagne, on rencontre toutes sortes de neiges ; il faut donc un ski polyvalent et surtout un ski fiable sur lequel on puisse compter dans toutes les circonstances.

En randonnée, les skis longs ne servent à rien. Ils entravent les conversions, sont une gêne dans les couloirs étroits, ralentissent les virages sautés. On prend sa taille pour un skieur puissant ou 5 cm en dessous pour un skieur de gabarit moyen ou léger.

Exemple de ski polyvalent pour un skieur de taille 170-175 cm

Concernant les fixations, selon le choix effectué, on peut avoir des différences énormes. Certains privilégient le poids. Des fixations légères pèseront 300 g la paire (parfois moins). Une fixation privilégiant la sécurité et la stabilité en descente pèsera le double (ou plus). Les avancées techniques récentes permettent des compromis intéressants associant sécurité et bonne tenue en descente, pour un poids contenu (mais pour un prix relativement élevé). Des fixations qui maintiennent la norme de déclenchement, même avec une déformation du ski, sont un gage de sécurité (voir l’article sur les fixations de randonnées sécurisées).

Pour les chaussures, on trouve des modèles de randonnée entre 1 kg et 3,5 kg la paire avec une bonne tenue. Selon le type de pied, certaines chaussures conviennent mieux. Des chaussures légères et souples iront bien avec des skis étroits et légers et des fixations du même type. En revanche, des chaussures plus rigides et plus lourdes seront utiles pour des skis plus larges et orientés descente. Un chausson thermoformable est un atout et, si besoin, on peut ajouter une semelle qui compense la forme du pied (voir l’article sur les chaussures de randonnée légères).

Il faut des bâtons légers (245g) avec une poignée adaptée permettant de les attraper par le milieu, pour s’en servir différemment, selon le côté de la pente (façon Dahut). Les télescopiques sont parfois utiles, mais un peu fragiles et on peut préférer des bâtons fixes.

Pour le matériel de vue (lunettes, masque), les différences de poids ont peu d’impact et il faut évidemment exiger une protection conforme aux normes de protection contre les UV A et B en haute montagne.

Conclusion

Le matériel utile et pratique pour la randonnée à ski est spécifique à cette activité. Il change un peu selon que l’on a une pratique plutôt axée haute-montagne, ou une pratique à proximité des remontées et orientée vers la descente (dite freerando) ou une pratique « touring ». Mais enfin, cette différence ne doit pas être montée en opposition ; on peut très bien passer de l’une à l’autre suivant les circonstances et avec le même matériel.

Notre conclusion, c’est qu’il vaut mieux un équipement polyvalent pour une raison budgétaire et de simplification. Avoir plusieurs équipements n’est pas à la portée de tous et complique la vie. Cette polyvalence est possible grâce aux avancées technologiques récentes qui élargissent les performances et les plages d’utilisation, tout en gardant un poids contenu. Ensuite, il sera facile d’adapter son équipement au fil du temps et en fonction de sa pratique.